Je commence par la fin…. Oui privilégiez toujours le local et pas que pour la nourriture ! Consommez « Dans ma zone » plutôt que Amazone comme j’ai lu quelque part !
Vous êtes-vous déjà posé la question c’est quoi un produit « local » ? Encore un grand terme que chacun comprend à sa manière. Regardons la définition de local selon le petit robert : « Qui concerne un lieu, une région ». C’est tout de même assez vague… Si on prend le cas de Genève, qu’est-ce qui est plus local une salade produite en France à 5-10 km ou une salade produite à Zurich en Suisse Allemande à plus de 200 km ? Encore une fois mon objectif est de vous titiller un peu et de vous faire réfléchir…
L’objectif n’est pas de juger vos achats mais simplement de vous rendre attentif à l’importance de chacun de nos choix, chaque achat est un geste citoyen il faut être cohérent entre nos théories et nos achats. Aujourd’hui il y a un vrai décalage entre le citoyen qui prône le local, le bio, le social, la nature et le consommateur qui est axé sur les bons coups, les prix bas souvent au détriment des valeurs citoyennes. Analysons un peu tout ça plus en profondeur...
Après avoir discuté de cela avec des centaines de personnes, je peux résumer que majoritairement lorsque l’on pense aux produits locaux il y a plusieurs objectifs. On veut manger des produits sains, plein de nutriments et de vitamines donc bon pour la santé, frais avec du goût donc pour nous faire plaisir produits de manière durable donc en respectant la planète et les personnes travaillant dans la culture, acheter en circuit court pour que le producteur puisse toucher le prix le plus juste et que l’argent reste dans le tissu économique de la région, De plus idéalement l’achat serait fait dans une petite structure car ça donne l’impression que le produit serait de meilleure qualité et moins « industriel » et finalement ça fait du bien à la tête et à la société car on soutient les producteurs et l’économie du coin. Écologiquement c’est également un plus de faire le moins de kilomètre possible que ce soit pour se rendre au magasin ou pour la provenance de notre achat.
Je vous propose d’analyser quelques idées reçues plus en profondeur :
Pourquoi les produits Suisses sont plus chers ? Nous avons la chance d’être en Suisse un pays réputé pour la qualité, le « Swiss Made » est synonyme d’excellence dans le monde entier et l’agriculture ne déroge pas à la règle. Nous avons des exigences culturales et sociales parmi les plus élevées au monde ce qui forcément se traduit par un coût de production et une qualité supérieure. Tout est proportionnelle, plus de salaire, plus de loyer, plus de coût de construction implique un prix de revient plus élevé. Le coût de la main d’œuvre est le facteur le plus important dans le maraîchage, les salaires sont plus bas en Suisse Allemande que à Genève (environ 20% !), ils sont encore plus bas en Europe, et encore plus bas au Maroc, etc…. sans parler des règles et impacts environnementaux.
Je le dis souvent il ne faut pas comparer le prix et la valeur ! C’est plus facile à faire lorsque nous achetons des marques que des produits frais. Surtout que plus nous montons dans la pyramide des besoins de Maslow mois l’achat est indispensable mais plus le prix est élevé. Par exemple une montre Swiss Made haute gamme donne aussi bien l’heure qu’une montre de premier prix, la « qualité » de l’heure donnée ou l’impact environnemental de la production ou encore le salaire des ouvriers n’est pas ce qui nous motiverait à mettre une somme élevée, plutôt le fait de pouvoir arborer une marque célèbre avec tout ce que cela implique. Il est plus difficile d’aller frimer avec sa tomate « GRTA ».
Une autre idée reçue concerne la taille de l’entreprise, on parle volontiers de notre « petit maraicher » on va manger chez le « petit italien » du coin, on va rarement chez « le gros du coin ». ll y a souvent cette idée que les petites structures sont mieux et pourtant…. Si vous êtes malade préférez-vous allez dans la clinique dernier cri avec les outils dernière génération avec des docteurs utilisant les nouvelles techniques ou préférez-vous aller chez celui qui a appris le métier sur Youtube et travaillant avec des outils datant d’une autre époque ? Vous me direz que j’ai volontairement caricaturer les deux extrêmes pour que ça vous parle mais dans notre métier c’est pareil idem pour le magasin où vous achetez vos produits.
Concernant la production les petites structures vendent principalement en direct sans avoir de label ou autre marque officielle. Cela veut dire qu’ils sont libres de produire comme bon leur semble du moment qu’ils respectent la loi mais ils ont nettement moins de contraintes de cultures. Chaque label ou marque bénéficie d’un cahier des charges que le producteur se doit de respecter, Swiss Gap, Prestation Ecologique Requise, Suisse Garantie, Genève Région Terre Avenir, BIO, etc… Toutes ces exigences viennent se cumuler contraignant fortement le producteur avec pour objectif de garantir une qualité et une sécurité pour le consommateur. Il sera plus difficile pour une petite structure d’investir, d’engager souvent elles ont recours à des bénévoles, des stagiaires ou en encore des clients « participatifs » qui se traduit par une proximité importante avec les clients et des liens sociaux fort. Il s’agit bien souvent de petites communautés très localisées.
Les structures plus importantes investissent, engagent et produisent des quantités importantes. Leur poids dans l’économie locale est d’autant plus important. Il faut des moyens pour former des apprentis, de l’argent mais du temps également. Pour répondre aux exigences actuelles il faut innover cela implique des machines, des structures modernes comme des serres, des aides de travail pour nos équipes afin de diminuer la pénibilité, etc… L’effet boule de neige, investir permet de produire mieux, plus mais il faut amortir les investissements. Si l’entreprise se développe elle peut engager, investir dans des outils de travail donc ramener de l’argent dans l’économie local par exemple en achetant un camion, un tracteur, en faisant construire un bâtiment, faire de la recherche et des essais, sponsoriser l'équipe de foot du village et évidemment en payant des impôts nécessaires au fonctionnement de notre société.
Le local ce n’est pas juste ce que j’achète c’est où je l’achète. Le fait d’acheter en circuit court permets au producteur de bénéficier d’une meilleure valeur ajoutée, de commercialiser des produits ne répondant pas aux critères de première qualité. Oui une petite structure sera plus proche de ses clients mais de l’autre côté on ne peut pas nier que nous n’avons bien souvent pas le temps de se rendre chez le boucher, chez le boulanger, chez le maraicher, etc… Les grandes surfaces vendent la majorité des denrées alimentaires du pays, nous collaborons d’ailleurs avec eux et ils figurent parmi nos clients principaux. Chaque enseigne bénéficie de sa stratégie, certains proposent un choix très variés d’autre plus restreint, certains magasins sont magnifiques d’autres beaucoup plus sobres, certains ont du conseil sur place d’autre il n’y a personnes dans les rayons, certains favorisent le local d’autre le prix. Encore une fois il n’y a pas de juste ou de faux mais chaque décision a un impact sur le prix, sur la valeur et sur la redistribution aux étages du dessous. Un gros groupe fait des achats importants pourra donc plus négocier les prix, un petit magasin avec peu de fréquentation payera le prix fort et sera contraint de vendre « plus cher » mais cela ne veut pas dire qu’il gagne plus pour autant. Tous les extrêmes ne sont pas bons…
On pourrait en parler pendant des heures, il n’est pas simple d’acheter entre ce qu’on veut et ce qu’on peut… Favoriser le local pour vos achats c’est la meilleure chose à faire, oui un petit magasin aura des coûts plus élevés mais sera plus proche des clients, les gros magasins sont nécessaires et consommer en Suisse fait en sorte que l’économie du pays se maintienne. Consommer à l'étranger ou sur Internet vous donne l’impression que vous y gagner au change, c’est une vision très égoïste et à court terme, à long terme c'est un effondrement du système, de la société et de notre qualité de vie. 1chf dépenser localement va se multiplier et générer des retombées à bien des niveaux, 1 chf dépenser à l'extérieur c'est des milliers perdus pour la société... Prenons l'exemple du salon de l'auto de Genève, de nombreuses personnes se réjouissent de son annulation, peu sont ceux qui se rendent comptent que c'est plus de 500 millions de francs de retombées "locales" qui disparaissent.....
Les entreprises Suisses souffrent de cette consommation touristique et déloyale ! Voulez-vous investir dans le futur, dans notre planète, dans nos enfants, comme je l’ai dit au début chaque achat est un acte citoyen à vous de savoir si vous voulez participer au développement des multinationales au détriment des entreprises locales. Nous avons besoin de cohérence et on ne peut pas critiquer un système et continuer à le financer car « c’est pratique » finalement….
Je remercie infiniment toutes les personnes qui consomment « local » au maximum et j’encourage tout le monde à le faire de plus en plus. Acheter moins mais mieux !
Cette photo illustre l'évolution des achats transfrontaliers ces derniers mois....