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Démographie et agriculture

#Produits du terroir

Jeremy Blondin Le dimanche, 16 avril 2023 à 13:13 Dernière modification le mercredi, 19 avril 2023 à 08:33
Démographie et agriculture Démographie et agriculture
Cette semaine nous allons nous intéresser à l’évolution de l’agriculture et plus particulièrement par rapport à l’évolution de la population mondiale et active.

Je trouve très intéressant de se mettre ces chiffres dans la tête pour comprendre le contexte actuel :


Population de la planète:

                                             

1800 : 0.9 Milliards (CH = 2 millions)

1900 : 1.61 Milliards (CH = 3.3 millions)

2000 : 6.1 Milliards (CH = 7.18 millions)

2020 : 8 milliards (CH = 8.6 millions)


Je ne vous apprends rien concernant l’augmentation de la population qui devrait continuer jusqu’à 10-11 milliards selon les spécialistes et probablement commencer à diminuer entre 2050 et 2100 selon les scénarios imaginés. Ce qui frappe c’est l’accroissement extrêmement rapide de ces dernières années, il y a donc de plus en plus de monde à nourrir et paradoxalement parlant de moins en moins de personnes actives dans le secteur primaire et principalement l’agriculture.

 

Population active dans l’agriculture au niveau mondial :


1800 : 60% agricole (540 millions)

1900 : 35% agricole (560 millions)

2000 : 3% agricole = (240 millions)


En gros à l’heure actuelle une personne travaille dans l’agriculture pour en nourrir 60. En 1900 1 active pour 2.8 bouches et 1 agriculteur pour 1.66 personnes il y a 200 ans. Les évolutions techniques permettent de produire plus et avec moins et ainsi d’éviter le manque de nourriture. Les travaux agricoles sont moins dur, les semaines moins longues, les rendements sont plus élevés et la qualité est meilleure ce qui influe directement sur l’espérance de vie.

 

Petite graphique présentant le proportion de la population active dans l'agriculture par rapport à l'évolution de la population totale.

L'espérance de vie en Suisse


1800 : Environ25 - 30 ans, avec un bond en avant à 37 ans en 1810 grâce au vaccin contre la variole

1900 : homme 47 ans et femme 52 ans

2000 : homme 77 ans et femme 82 ans

A noter qu’à partir de 2021 une baisse de la natalité et un vieillissement de la population est constaté avec plus de retraite que de naissance ce qui devrait impliquer une diminution de la population…


L’espérance de vie a une corrélation importante avec l’explosion démographique, le rôle de l’agriculture dans cette augmentation est également souvent oublié. Nous n’avons jamais eu aussi peu de famine (en Europe…), autant de diversité et de qualité dans notre nourriture. Cela amène également une autre notion intéressante concernant la retraite qui défraie la chronique ces derniers temps. En 1950 six personnes travaillaient pour un retraité, en 2050 seulement deux personnes vont travailler pour un retraité, sachant que contrairement à ce que pense beaucoup de personnes, le système n’est pas prévu que vous économisiez pour vous mais bel et bien que les actifs paient la retraite de ceux qui en bénéficie maintenant ! Mais cela est un autre sujet qui mériterait un prochain article….

 

Quelques dates importantes qui ont marqué l’agriculture :

 

1889 inventions du premier tracteur aux USA

1930 développements de la chimie organique

Cependant il faut attende 2ème guerre mondiale réelle tournant pour le développement de la mécanisation agricole et de la protection phytosanitaire des cultures

En Suisse les premières serres en verre de cultures ont été construites aux alentours de 1960 avec des châssis en bois en premier lieu les châssis aciers ont fait leur apparition plus tardivement. Les équipements techniques équipant les serres continuent d’évoluer année après année.

Pour info en 1714, la première serre vitrée est inventée pour faire pousser un plant de café offert à Louis XIV et la Serre Nash de Kew Gardens à Londres datant de 1825 et est l’une des plus anciennes serres entièrement vitrées qui existent encore.

Les tunnels plastiques sont arrivés plus tard dans les années 70. 


Après cette introduction nécessaire, revenons à nos moutons du jour et en Suisse:


Aujourd’hui la surface agricole est stable, pour faire simple il y a de moins en moins d’entreprise qui sont de plus en plus grandes : 4,5ha de moyenne en 1905 contre 16.7ha en 2005. Il faut également savoir qu’en moyenne chaque jour 4 entreprises agricoles mettent la clé sous la porte et 12 emplois agricoles sont perdus.


Quelques chiffres du pays :

•      ~1.0 mio d’ha de terre arables en Suisse

•      ~50’000 exploitations pour 150'000 emplois

•      Environ 3’300 exploitations gérées par des femmes

•      Environ 20 ha de taille moyenne par exploitation            

•      ~60% animal , ~40% végétal

•      Seulement 45% des emplois agricoles sont à temps plein.

•      Valeur totale de la production agricole Suisse = 10.7 milliards (0.6% PIB)

•      En 2021 en Suisse 48 864 exploitations agricoles ont été recensées. L’agriculture biologique est pratiquée par 7670 exploitations sur 17% des terres.

•      Les produits agricoles « suisses » les plus exportés (pour l’anecdote) : le café, le tabac, les extraits végétaux et les boissons (inclue une célèbre boisson énergétique à base de taurine) plus d’infos sur le rapport agricole 2022 que vous trouverez en cliquant: ici <-

 

Un point de situation sur la région Genève :


• 389 exploitations agricoles et environ 200 proposent une vente directe.

• La Surface Agricole Utile du canton (SAU) est de 10'050ha ce qui représente 36% du territoire.

• 1'600 emplois soit 3.6% des salariés genevois. Une exploitation moyenne à Genève mesure 30ha contre 20ha pour la moyenne nationale.

• La répartition des différents secteurs d’activité :

  • 56% grande cultures
  • 24% surface herbagère
  • 12,5% viti (3ème canton de Suisse !)
  • 5.4% divers
  • 2,1% maraîchage à savoir que les surfaces professionnelles sont identiques à la totalité des surfaces de production privées (jardins, balcons et autre lieux). De ce fait lors de belles années les petits jardins sont une concurrence importante pour les productions de légumes suisses sans parler de la diminution de la population pendant les vacances estivales.

• En Suisse on recensait lors du dernier décompte 1342 maraichers dont 32 à Genève.

• Le canton de Genève est un des principaux cantons producteurs de tomate du pays et représente 8% de la production nationale de légume notamment grâce aux serres et aux installations high-techs. 

Et le futur dans tout ça ?


L’agriculture a trois misions en Suisse:

1.      Sécurité alimentaire

2.      Entretien du paysage

3.      Occupation décentralisée du pays


Avec la nouvelle politique agricole on voit que la priorité est de plus en plus centrée sur l’entretien du paysage et la protection de l’environnement non sur la mission de la sécurité alimentaire. En Suisse la politique souhaite avoir une agriculture « carte postale » au détriment du développement de la production agricole la plus durable du monde qui est la nôtre. Comme je le dis souvent j’ai l’impressions que tous les maux de la planète sont imputés à l’agriculture selon les médias. On ne parle que très rarement des effets du changement climatique sur l'agriculture, de l’urbanisation à tout va et des surfaces bétonnées, de l’explosion démographique ou encore de la déforestation… Je ne comprends pas cette situation, durant la pandémie tous les acteurs de l’agriculture nous avons été remerciés, encensés, l’alimentation retrouvait ses lettres de noblesse, la joie fut de courte durée malheureusement.....


En Suisse l’agriculture cultive selon les règles les plus strictes du monde, cela a toujours été difficile de produire de la nourriture on lutte depuis tout temps contre Mère Nature, pour ma part c’est encore plus difficile de lutter contre l’humain, contre les critiques, l’agressivité, la négativité et je ne suis pas le seul dans ce cas.

La conjoncture est difficile entre le prix de l’énergie, le contexte socio-politique, le futur de nos exploitations est incertain et plus que jamais. Les charges augmentent beaucoup plus vite que les prix d’achat aux producteurs, nos cultures sont belles et saines, nous avons de la peine à les vendre, les stocks de tomates sont déjà haut ce mois d'avril et les étales sont pleins de marchandises importées ne remplissant pas du tout et de très loin le cahier des charges du pays et de nos produits. Ils ont un gros avantage apparemment selon certains clients…. Ils sont moins chers !


Une situation incompréhensible et intenable pour les métiers de la terre, ce n’est pas étonnant que le métier suscite peu de vocations, au jour d’aujourd’hui il est plus rémunérateur de mettre nos champs en jachère au nom de la diversité que de produire des aliments sains et locaux. En arrêtant de produire on vous dit bravo, merci, vous avez du temps libre et on vous défraie, quand vous produisez de la nourriture on vous dit que vous faite n’importe quoi, que vous dérangez (faut pas travailler la nuit ou le week-end on encore faire de la poussière) et que finalement nos produits sont trop chers et pas suffisamment qualitatifs… c'est hallucinant !

L’agriculture a une image très pittoresque et bien souvent simpliste qui n’est de loin pas représentatif de la réalité très complexe de notre profession. Maraîcher est un métier passionnant, remplis de défis, difficile, magnifique, complexe, indispensable et en voie de disparition !


Pourtant il y a une solution simple pour inverser la vapeur qui consiste à consommer local, de réclamer des produits locaux dans les commerces où vous avez l’habitude de faire vos courses, de soutenir les producteurs, nous faire confiance et nous le faire savoir!


Un grand merci à ceux qui le font déjà au quotidien (en commençant pas nos clients fidèles!), un grand merci à ceux qui vont le faire et les autres ne venez pas pleurer le jour où il n’y aura plus d’agriculture en Suisse,…. Et beaucoup plus grave plus de nourriture dans nos assiettes… les rayons vides en Angleterre ce début d’année devraient avoir tirer la sonnette d’alarme en Europe, la situation est préoccupante. Il y a moins de surfaces misent en culture du faite des incertitudes concernant les couts et surtout de l'énergie. Des difficultés à recruter de la main d'œuvre agricole, des incertitudes concernant la disponibilité de certains intrants et également l'augmentation des contraintes, des règles de la paperasse et la diminution de solution des plantes font que certains maraîchers ont semés des céréales en lieu en place de légumes, d'autres ont carrément arrêter on décidé de décaler des séries donc moins de production pour cette année.


Grâce au dynamisme, à l'innovation des maraîchers nous devrions passer entre les gouttes cette année en Suisse. Mon but n'est pas de vous faire peur, d'être négatif ou de justifier quoi que ce soit, ce que je souhaite c'est que vous connaissiez mieux la situation actuelle, le contexte, la réalité afin de pouvoir faire des achats, des choix en connaissance de cause. Si un magasin décide de ne pas proposer de tomates suisses en avril, comment pouvez-vous savoir qu'il y en a déjà en culture, si vous ne le savez pas, vous ne le demanderez pas au magasin qui ne nous en achètera pas. C'est "bête" comme chou.


La situation n'est de loin pas toute rose, cela peut paraître fou vu de l'extérieur mais soyez certain que cela ne concerne pas que l'alimentation mais bel et bien l'ensemble du commerce. Consommez Dans ma Zone et non pas Amazone.


Pour finir mon implantation du contexte général la semaine prochaine je parlerais un peu d’urbanisation et de son "évolution" et je reviendrais après sur des articles qui parleront des moyens de productions. Si vous avez des remarques ou commentaires constructifs n'hésitez pas: blog@mattines.ch ou sur les réseaux.


Je vous souhaite une magnifique semaine.


Jeremy Blondin