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Agriculture connectée

#Technique

Jeremy Blondin Le dimanche, 21 mai 2023 à 13:13 Dernière modification le dimanche, 3 septembre 2023 à 12:11
Agriculture connectée Agriculture connectée
Comme vous le savez je suis un adepte de la « tech » et dernièrement j'ai été bluffé !

Au Domaine des Mattines nous cultivons principalement sous abris, avec des outils de pointes. Rien n’est laissé au hasard, finit la pelle graduée nous mesurons précisément les cultures et leur environnement. Cela permet d’être précis, de limiter au minimum l’utilisation des intrants comme l’eau ou les engrais, d’être efficace et surtout de pouvoir mesurer et corriger la conduite des cultures.


Au début de l’année 2023 nous avons repris un verger, des cultures arboricoles, pommes, poires et pruneaux. Une sortie de notre « zone de confort », les cultures ne dure pas quelques mois mais des dizaines d’années, la récolte n’est pas quotidienne mais limitée sur un mois et demi, nous n’avons que très peu de moyen de gérer le climat et l’environnement des plantes. Nous ne sommes pas abrités de la pluie, du froid ou encore du vent. Une organisation et une approche totalement différente.

Nous pouvons quand même travailler sur plusieurs facteurs, la taille, l’irrigation, la protection des plantes, les amendements, les filets anti-grêle, une aspersion sur frondaison pour protéger du gel, etc… Mais évidemment une gestion beaucoup plus tributaire de la météo, une organisation du travail beaucoup plus casse-tête et moins confortable. Où est donc l’évolution vous me direz ?


Ce que certains appellent la main verte je dirais qu’il s’agit d’une interaction optimale entre l’homme et la plante. Certains pensent que c’est quelque chose que l’on a ou pas. Je ne suis pas d’accord avec cette idée car selon moi tout peut s’acquérir avec du travail et surtout de l’intérêt. Notre objectif est donc de comprendre les besoins de la plante, de la culture et de faire la liste des outils que nous avons à disposition. La plante à soif, on arrose, elle a faim on lui donne à manger, etc… La question du coup c’est comment savoir qu’elle a soif, faim, froid, est stressée, etc….


Pour « lire les plantes » et comprendre leurs besoins cela prend des années de pratiques et le résultat est toujours plus ou moins approximatifs on a une piste mais pas de certitude. Nous n’avons pas encore trouvé le moyen de parler avec les plantes (on y travaille ce sera l’objet d’un autre blog) du coup comment faire ?

Entre en jeu des outils de mesure, on commence par la station météo on mesure température, vent, humidité, rayonnement solaire, co2, etc…. Ensuite il y existe des sondes capacitives qui permettent de déterminer l’eau disponible dans le sol, il faut savoir quel type de sol nous avons et quel est le besoin d’eau de la culture, une salade ou un maïs n’ont pas le même système racinaire, n’ont pas non plus la même résistance à la sécheresse par exemple. Nous avons des capteurs pour mesurer les risques de maladie selon les conditions météo ou encore le niveau de photosynthèse des plantes. On mesure les plantes, la taille des feuilles, des branches, la pousse, diamètre du fruit, taux de sucre, etc…..


Pour nous mesurer c’est indispensable. Une approche radicalement différente de certains de nos collègues qui se basent sur le « feeling », les décisions à prendre ne sont jamais noir ou blanc et il y a toujours une part de sensibilité personnelle qui rentre en jeu, pour ma part impossible de prendre une décision sans avoir des informations précises en main. C’est un peu la même chose pour nous, il y a des personnes qui mangent au « feeling » j’ai faim, je mange le premier truc sous la main ou je remplis mon assiette avec mes yeux et mon envie face à d’autres personnes qui mangent selon un régime bien précis, on mesure les calories, les portions et proportions, etc… Peut-on pour autant dire que l’un fait juste et l’autre fait faux ? Non. Par contre dans cet exemple volontairement extrême une personne est plus consciente de ce qu’elle fait ainsi que de son objectif à long terme et physiquement parlant la différence devrait être visible.



L’autre jour Aurélien Lacraz un ami agriculteur est venu semer du maïs sur une de nos parcelles et il m’a proposé de monter dans son tracteur. J’ai toujours aimé ces machines et je suis curieux de voir à quoi ça ressemble là-dedans et comment il pilote ses machines. Un beau John Deere vert avec des roues jaunes, tous les gamins en ont eu un comme jouet je m’assied à côté de lui avec la banane.


De l’extérieur ces machines sont grosses, imposantes, dégagent une impression de force, de brutalité. Première impression, la cabine est confortable, silencieuse et le tracteur se déplace avec une douceur inattendue. La cabine est très lumineuse afin de pouvoir voir les machines attelées, devant, derrière, les roues, le terrain, bref partout. Là où les yeux ne suffisent pas on peut rajouter des caméras ou des capteurs et évidemment des écrans dans la cabine. Les machines se pilotent à l’aide de joystick et une multitude de boutons j’ai l’impressions d’être dans la cabine d’un A380.


Tout est relié informatiquement, le tracteur est équipé d’un GPS. Dans le système tout est renseigné, nom de la parcelle, nom du client, variétés, machines, etc….

Une fois le semoir rempli c’est parti et j’observe, il m’explique, fascinant. Le tracteur roule parfaitement droit pourtant il ne touche pas le volant, c’est le GPS super précis qui a pris le relais, les lignes de semis apparaissent sur une carte numérique et le tout est mesuré, longueur de ligne, densité, etc…. Cela permet au chauffeur de régler précisément sa machine et de se concentrer dessus, suivant les tracteurs et les parcelles la machine est levée automatiquement en bout de ligne le tracteur tourne tout seul et repart tout seul, incroyable. Le GPS permet de savoir où nous sommes déjà passé, d’éviter des doubles passages également, un outil que je dirais indispensable.

Ça ne s’arrête pas là, l’objectif est de connecter toutes les machines et tous les travaux de champs. Le temps est mesuré, le nombre de graine, la surface de culture, etc….


On peut utiliser les mesures GPS pour sarcler précisément la culture, pour apporter des engrais ou protéger les plantes super précisément et efficacement. John Deere est entrain de développer un drône qui survole et mesure la surface foliaire de toutes les plantes du champ et ensuite vous liez cela à votre machine et la dose sera adaptée automatiquement en fonction des besoins de la plante. Ensuite on sort la batteuse, cette dernière mesure la qualité de la récolte et la quantité en fin de parcelle on peut donc savoir le rendement moyen de la parcelle et également très précisément la quantité sur chaque mètre carré. Par exemple une partie de la culture est à l’ombre d’une haie, le milieu à une mouille, ou un coin du champ est plus pauvre. Grâce à ces mesures cela permet de mieux comprendre ce qui se passe ainsi que quoi améliorer, où et comment…. Je trouve ça fascinant et je suis plus convaincu que jamais que la technologie est indispensable pour travailler efficacement.


Si les réponses ne sont pas (encore) totalement évidentes l’expertise du professionnel est nécessaire pour prendre les bonnes décisions. Cela permet également de se poser des questions que nous ne nous étions peut-être jamais posés, d’essayer et de mesurer l’effet, de comparer avec des collègues et avancer plus vite.


L’intelligence artificielle se développe à vitesse grand V et je suis curieux de voir à quoi va ressembler ces outils d’ici 2 ans ou 10 ans je n’ose pas imaginer les possibilités qui vont s’offrir à nous et ainsi nous permettre de trouver des solutions face aux nombreux défis que nous font face.

Merci Aurélien de m’avoir accepté dans ta cabine et m’avoir partagé ta passion je suis bluffé !


Le métier d’agriculteur devient de plus en plus connecté, certes le métier change comme toute la société. Cependant quand je vois les possibilités avec ces outils, je suis certains que sans équipement, sans remise en question et sans formation adéquate il sera très compliqué de pouvoir produire de la nourriture dans notre contrée en respectant les normes environnementales.


On se voit la semaine prochaine je vous parlerais de protection des plantes, pourquoi utilise-t-on de produits phytos et surtout c’est quoi un produit phyto ?


Au plaisir


Jeremy Blondin